Et si nous arrêtions de « travailler » ?
Les mots créant notre réalité, lequel pourrait incarner l’activité professionnelle au 21ème siècle, après « œuvrer » au 1er millénaire, puis « travailler » à la fin du 2ème ?
On ramène souvent la signification du travail à son étymologie – « trīpalium » – en oubliant que l’étymologie est la « reconstitution de l’évolution des mots en remontant à l’état le plus anciennement accessible ». Or, l’histoire de l’être humain et de ses mots ne s’arrête pas à quelques centaines d’années, mais est millénaire.
Les mots créant notre réalité, en quoi est-ce limitant de s’arrêter à cette racine unique, qui fige sa signification ? Que pourrions-nous trouver en creusant un peu plus profondément dans le temps et en nous ? Et quel nouveau verbe pour caractériser l’activité professionnelle au 21ème siècle ?
En consultant le « dictionnaire étymologique du français » de Jacqueline Picoche, je m’étonne de ne pas le trouver directement, mais dans la famille d’un autre mot : « paix » (notamment palus, issu de pak-slos « pieu »). En effet, le mot travail vient bien du bas latin daté du VIème siècle « trīpalium », « instrument de torture formé de 3 pieux », « dispositif servant à immobiliser les grands animaux, par exemple pour les ferrer ».
« Travailler » signifiait depuis quatre cents ans « tourmenter », « souffrir », « se donner de la peine » et s’est « appliqué spécialement à une femme dans les douleurs de l’enfantement », quand il a commencé au début du XVIème siècle à se généraliser et, par là-même, se substituer progressivement à « labeur » et éliminer le mot utilisé depuis toujours pour parler de l’activité professionnelle : l’œuvre.
Or, que trouve-t-on dans l’étymologie d’œuvrer, au-delà de l’ « activité productrice » :
« abondance »
« ressources »
« force »
« aide »
autant de notions fondant un autre rapport à notre activité professionnelle, contrastant remarquablement avec la torture.
Pendant des millénaires, les êtres humains, nos ancêtres, nos arrières arrières grands-mères et grands-pères ont œuvré.
« Travailler » n’est qu’une invention récente, généralisée à la frontière de l’ère industrielle, qui employait femmes, hommes et enfants dès leur plus jeune âge jusqu’à 96 heures chaque semaine comme autant de rouages d’une grande machine… inhumaine.
Aujourd’hui, je vous propose de re-choisir, vous détachant du tripalium qui vous immobilisait pour vous remettre en mouvement
– dans l’abondance, avec la conviction que chacun peut trouver sa place
– dans l’entraide, avec le fameux réseau, qui rappelle l’importance des liens dans une carrière … on ne réussit jamais tout seul
– en puisant dans votre source et vos ressources
– en vous appuyant sur vos forces
tout en regoûtant ce sentiment profondément ancré dans l’être humain de sérénité et de paix.
Aujourd’hui, je nous invite à chercher ou créer un nouveau mot, après « œuvrer » au 1er millénaire, puis « travailler » à la fin du 2eme, pour incarner l’activité professionnelle au 21ème siècle.
Quel verbe utiliseriez-vous pour qualifier ce que vous faites quand vous trouvez et prenez pleinement votre place ? J’attends vos propositions et commentaires !
Sources :
– La définition d’étymologie vient du Dictionnaire Le Robert
– L’étymologie d’œuvrer vient du « dictionnaire étymologique du français » de Jacqueline Picoche
– Complément d’information dans le « dictionnaire historique de la langue française » de Alain Rey